Song | Hommes Liges des Talus en Transe |
Artist | Alan Stivell |
Album | Trema'n Inis (Vers Lil) |
Download | Image LRC TXT |
Il pleut sur les coqs de bruyère | |
Il pleut sur les constellations de bouleaux blancs | |
Il pleut sur les charrues matinales barbouillées de terre glaise | |
Il pleut sur le pain chaud au sortir des fours visités d'un gros feu tranquille | |
Il pleut sur le poitrail des chevaux rubiconds | |
Il pleut à verse sur la pelouse des toits lacustres baignés de merles et de bouvreuils | |
Il pleut sur les femmes obstinées à emplir les églises par l'entonnoir des porches | |
Il pleut sur les planchers d'aiguilles de sapin sur l'escalier des mousses remuées de salamandres | |
Il pleut sur le lac tranquille des âmes simples | |
Il pleut sur les hommes lourds et muets | |
Je m'éveille | |
Et je m'assois sur les talus limpides | |
Et je m'installe sur la fesse des montagnes de laine | |
Et je compte | |
Et je compte | |
Las de l'exil | |
J'approche de la table, le banc | |
Et à la clarté des couteaux | |
Je laisse plonger en moi les racines du pain | |
Plus loin que les matins de globules rouges | |
Plus loin que le sang caillé des bruyères où rament les éperviers | |
Plus loin que les lièvres blancs et gris et que les cheminées qui reprennent haleine | |
Plus loin que les courts matins d'hiver qui voient passer dans l'œil des enfants la caresse des étangs sauvages | |
Plus loin que les chevaux qui hennissent rouge au cœur des patries effilochées | |
Plus loin que la végétation des colères inextricables qui lancent leurs lianes parmi les hommes en démolition | |
Plus loin que les migraines veloutées qui grattent et qui mordent | |
Plus loin que les aurores boréales brûlées de banquises à la rencontre des pays de rosée | |
Plus loin que les destins limés à ras de rotule | |
Plus loin que la braise flambante de l'œil | |
Le silence | |
Le champ clos du silence | |
La fermentation du silence | |
Qui butte contre les vitres | |
Hommes je vous parle d'un temps qui nous appartenait plus | |
Mais d'un temps artésien qui sourd au moindre coup de pioche | |
Je vous parle du temps où l'on bâtissait les forêts | |
Du temps où chaque fleur recevait des hommes le sel du langage | |
Du temps où cette terre était hantée d'un peuple solennel | |
C'était du temps où l'homme était un frère pour l'homme | |
Où les hommes se disaient bonjour du haut de leurs collines | |
Où les hommes chaque matin saluaient le lait de la pluie | |
J'ai compté | |
La rose du ciel vert | |
Les nasillements d'hirondelles à ras de cheminée | |
Les impulsions d'aubes feuillues chez les hommes qui naissent à eux-mêmes | |
La dépossession d'une patrie entière | |
Et au bout de l'océan | |
Les cocons de nuit | |
La course droite des sangliers | |
La plainte des moissons moisies tramées d'insectes vidés | |
Au bout de l'océan | |
Les campagnes fugueuses et les villages en quinconce débordant du fatras des moissons | |
Au bout de l'océan | |
Le poil humide des chevaux de cristal | |
Le corail des lavoirs et des sources | |
Les chiens roux lisses de sommeil | |
Au bout de l'océan | |
La machine des bocages explosifs | |
Les gradins de l'aurore parmi les arbres craquants | |
Au bout de l'océan | |
Le rire des sauterelles | |
Le maquis des congres et des lamproies | |
La connaissance ininterrompue de la mort | |
Au bout de l'océan | |
L'établissement des hommes lucides | |
Inventant une patrie délibérée | |
Dressant sur les promontoires des villes de pierre des animaux de chair | |
Au bout de l'océan | |
Les reflets battus d'oiseaux rares | |
Le sifflement de la vapeur dans les poumons et les poignets tendus | |
Au bout de l'océan | |
La confusion des paroles et des gestes | |
La Visitation d'étranges bêtes brûlantes agitées de soubresauts | |
La Visitation massive de boules de feu | |
Je te crie pays | |
Pour tes éblouissements d'yeux dardés | |
Pour tes contrebandes de chaleurs farouches | |
Tes généalogies engluées | |
Tes granits poreux et glacés | |
Je te crie pays | |
Pour tes fouillis de luzerne à fleur de peau | |
Tes pur-sang purulents qui verdoient de sulfure | |
Tes murs d'écurie écrasés par le coups de pied des chevaux | |
Pour vous tous qui êtes moi | |
Ou plus encore | |
Vous tous qui êtes plus que moi | |
Et je vous entends tourbillonner dans la dérive des silences giclés | |
Et je crie | |
Suicides mauves | |
Derrière les persiennes clauses | |
Enfants rachitiques que l'on repousse du bout du pied | |
Hommes qui traversez la vie comme on traverse un long tuyau humide | |
Paysans coagulés tronc à tronc conduisant de la voix les ruées des troupeaux | |
Soleils que l'on dirige à bout portant contre le cœur des chevaux | |
J'ai vu mourir dans la nuit blonde | |
Les enfants couleur de nacre et les filles brunes surgies du lait | |
J'ai vu tomber par touffes l'ardoise des toits inertes | |
J'ai vu proliférer les marécages aux lèvres des collines | |
Il faisait un temps de flammes vertes | |
Un temps de poussière d'acier | |
Un temps d'yeux germés | |
Et j'ai vu sous les portières du Ponant | |
S'effriter les enfants pâles et dilatés | |
Lourds héritages de fatigue | |
D'espoirs séquestrés | |
De forêts en gestation | |
Chroniques blettes de chanteurs vibrant dans la lumière des branches | |
Pays de paille grise | |
Pays d'humidité redoublant de violence | |
Pays d'attente et d'éboulis | |
Je contemple ce pays bâti de côtes et de criques | |
Cerné de climats douceâtres | |
Traqué de tourbes révolues | |
Outrepassé de tumeurs pâles et de pustules | |
Où il n'y a pas de place pour le paysan seigneur des terres immobiles | |
Pour le prolétaire en usine combattant les négoces et les engrenages féroces | |
Soudain nous prend en route | |
Le mal taillé en coin | |
Le mal qui vrille et qui taraude | |
Le mal qui fore et qui perfore | |
Le mal qui force chaque pore | |
Le mal mèche de tarière | |
Le mal douleur de vilebrequin | |
Le mal du pays natal | |
Mes frères, mes frères | |
Hommes brûlants plantés d'épines | |
Hommes tranchants à l'écoute des séismographes | |
Hommes de mon pays et d'ailleurs | |
Buvez aux geysers de l'humanité | |
Appareillez pour de grands hommes lourds de justice | |
Rassemblez vos propos acérés depuis la pulsation des estuaires | |
Jusqu'aux profondeurs de l'étable | |
Hommes simples assis dans votre étable fermée | |
Hommes empêtrés de tabous et d'interdits | |
Je vous entends pourtant crépiter dans les flammes dévorantes de l'esprit | |
Hommes liges des talus en transe et des villages abandonnés | |
Hommes brodés urinant le long des fossés | |
Hommes de vieilles candeurs célébrant des divinités aux joues roses et fanées | |
Et vous aussi, hommes des villes collectionneurs de meubles et d'ustensiles | |
Hommes émaciés pourrissant sur la muqueuse des villes étrangères | |
Vous partagez nos démangeaisons de liberté | |
Hommes puissants disputant la sérénité de l'orgue et des esplanades | |
Hommes croustillants héritiers de toutes lèpres et de toutes famines | |
Hommes trop humiliés les poings fermés de fureur | |
Terrés dans le tanin de vos chairs meurtries | |
Il n'y a pas de passé en Bretagne | |
Seulement un imperceptible mouvement des lèvres | |
Au détour de petites phrases anodines et friables | |
Seulement un présent de grossières en justice | |
Un avenir barré de violence et de poussière | |
Il n'y a pas de passé en mon pays | |
Sinon un bourdonnement d'hommes réfractaires | |
Je revois les genêts sur l'urine sèche | |
Les manoirs de quartz entourés de haies | |
Mais je ne peux m'asseoir longtemps dans l'herbe | |
Les déportations massives continuent | |
Nous avons chaud à nos fleuves | |
Nous avons chaud à nos relents d'alcool | |
Nous sommes un peuple hauts fourneaux | |
Un peuple coulé d'aubépine | |
Nous ne capitulons pas | |
Je m'arrête près des herses et des rouleaux | |
Je mâche mes premières pousses de liberté | |
J'ouvre l'éventail des champs labourés | |
Et notre peuple accompli soudain des révolutions étincelantes à la face du monde | |
Un peuple vaincu s'exerce au maniement des marées montantes | |
Je les vois qui s'assemblent tous sur les places | |
Bûcherons de l'aube arrimés aux cotres du soleil | |
Défricheurs herbus et ruminants jetant les grappins dans un passé interdit | |
Ecoliers ternes et appliqués établissant soudain des relations de cause à effet | |
Ouvriers analogues s'éveillant avec lenteur au creux des faubourgs crispés | |
Grappes de femmes lourdes enracinées dans la douleur des hommes | |
Ouvriers en grève exigeant droit de regard et de pression sur les tubulures du pays | |
Colleurs d'affiches, vendeurs de journaux, distributeurs de tracts, porteurs de pancartes | |
Etudiants insolents et nerveux se dérobant avec véhémence | |
Aux haleines fétides, aux visages craquelés | |
Ecoliers rieurs éprouvant du pied le fragile équilibre de l'eau et du feu | |
Syndicalistes vingt fois licenciés aux gestes robustes d'hommes mesurant l'éternité | |
Paysans matraqués à bas de leur tracteur qui le soir sortent les livres précieux sur la table | |
Vous êtes la Bretagne qui vient au feu | |
Vous êtes la Bretagne qui s'ouvre aux vents du monde | |
Aujourd'hui je vous le dis | |
Nous allons procéder à des glissements de terrain | |
Il y aura des sursauts de lumière dans le brouillard des solitudes | |
Et l'angle des fenêtres écumera de fougères | |
Alors, nous nous installerons dans l'odeur des charpentes et le soulèvement des toitures | |
Pour des émeutes de tendresse | |
Aujourd'hui je vous le dis | |
Un peuple nouveau émerge lentement qui se ménage des moissons exemplaires | |
Un peuple nouveau se dégage des siècles gluants | |
Ce pays chloroformé | |
Ce pays bruissant d'espoirs clandestins | |
Rouvre les yeux sur les banlieues surmarines | |
Que naissent en moi les pluies câlines | |
Pour humecter les campagnes polychromes | |
Que saignent les fougères fripées pour le plaisir des hommes qui tâtonnent | |
Qu'éclatent les bouches captives de mon peuple enfanteur d'hirondelles | |
Que se redressent les maisons arrachées à la matrice des frondaisons liquides | |
Que s'éveille mon peuple aux quatre coins du monde matinal |
Il pleut sur les coqs de bruye re | |
Il pleut sur les constellations de bouleaux blancs | |
Il pleut sur les charrues matinales barbouille es de terre glaise | |
Il pleut sur le pain chaud au sortir des fours visite s d' un gros feu tranquille | |
Il pleut sur le poitrail des chevaux rubiconds | |
Il pleut a verse sur la pelouse des toits lacustres baigne s de merles et de bouvreuils | |
Il pleut sur les femmes obstine es a emplir les e glises par l' entonnoir des porches | |
Il pleut sur les planchers d' aiguilles de sapin sur l' escalier des mousses remue es de salamandres | |
Il pleut sur le lac tranquille des mes simples | |
Il pleut sur les hommes lourds et muets | |
Je m'e veille | |
Et je m' assois sur les talus limpides | |
Et je m' installe sur la fesse des montagnes de laine | |
Et je compte | |
Et je compte | |
Las de l' exil | |
J' approche de la table, le banc | |
Et a la clarte des couteaux | |
Je laisse plonger en moi les racines du pain | |
Plus loin que les matins de globules rouges | |
Plus loin que le sang caille des bruye res ou rament les e perviers | |
Plus loin que les lie vres blancs et gris et que les chemine es qui reprennent haleine | |
Plus loin que les courts matins d' hiver qui voient passer dans l' il des enfants la caresse des e tangs sauvages | |
Plus loin que les chevaux qui hennissent rouge au c ur des patries effiloche es | |
Plus loin que la ve ge tation des cole res inextricables qui lancent leurs lianes parmi les hommes en de molition | |
Plus loin que les migraines veloute es qui grattent et qui mordent | |
Plus loin que les aurores bore ales br le es de banquises a la rencontre des pays de rose e | |
Plus loin que les destins lime s a ras de rotule | |
Plus loin que la braise flambante de l' il | |
Le silence | |
Le champ clos du silence | |
La fermentation du silence | |
Qui butte contre les vitres | |
Hommes je vous parle d' un temps qui nous appartenait plus | |
Mais d' un temps arte sien qui sourd au moindre coup de pioche | |
Je vous parle du temps ou l' on b tissait les for ts | |
Du temps ou chaque fleur recevait des hommes le sel du langage | |
Du temps ou cette terre e tait hante e d' un peuple solennel | |
C'e tait du temps ou l' homme e tait un fre re pour l' homme | |
Ou les hommes se disaient bonjour du haut de leurs collines | |
Ou les hommes chaque matin saluaient le lait de la pluie | |
J' ai compte | |
La rose du ciel vert | |
Les nasillements d' hirondelles a ras de chemine e | |
Les impulsions d' aubes feuillues chez les hommes qui naissent a euxm mes | |
La de possession d' une patrie entie re | |
Et au bout de l' oce an | |
Les cocons de nuit | |
La course droite des sangliers | |
La plainte des moissons moisies trame es d' insectes vide s | |
Au bout de l' oce an | |
Les campagnes fugueuses et les villages en quinconce de bordant du fatras des moissons | |
Au bout de l' oce an | |
Le poil humide des chevaux de cristal | |
Le corail des lavoirs et des sources | |
Les chiens roux lisses de sommeil | |
Au bout de l' oce an | |
La machine des bocages explosifs | |
Les gradins de l' aurore parmi les arbres craquants | |
Au bout de l' oce an | |
Le rire des sauterelles | |
Le maquis des congres et des lamproies | |
La connaissance ininterrompue de la mort | |
Au bout de l' oce an | |
L'e tablissement des hommes lucides | |
Inventant une patrie de libe re e | |
Dressant sur les promontoires des villes de pierre des animaux de chair | |
Au bout de l' oce an | |
Les reflets battus d' oiseaux rares | |
Le sifflement de la vapeur dans les poumons et les poignets tendus | |
Au bout de l' oce an | |
La confusion des paroles et des gestes | |
La Visitation d'e tranges b tes br lantes agite es de soubresauts | |
La Visitation massive de boules de feu | |
Je te crie pays | |
Pour tes e blouissements d' yeux darde s | |
Pour tes contrebandes de chaleurs farouches | |
Tes ge ne alogies englue es | |
Tes granits poreux et glace s | |
Je te crie pays | |
Pour tes fouillis de luzerne a fleur de peau | |
Tes pursang purulents qui verdoient de sulfure | |
Tes murs d'e curie e crase s par le coups de pied des chevaux | |
Pour vous tous qui tes moi | |
Ou plus encore | |
Vous tous qui tes plus que moi | |
Et je vous entends tourbillonner dans la de rive des silences gicle s | |
Et je crie | |
Suicides mauves | |
Derrie re les persiennes clauses | |
Enfants rachitiques que l' on repousse du bout du pied | |
Hommes qui traversez la vie comme on traverse un long tuyau humide | |
Paysans coagule s tronc a tronc conduisant de la voix les rue es des troupeaux | |
Soleils que l' on dirige a bout portant contre le c ur des chevaux | |
J' ai vu mourir dans la nuit blonde | |
Les enfants couleur de nacre et les filles brunes surgies du lait | |
J' ai vu tomber par touffes l' ardoise des toits inertes | |
J' ai vu prolife rer les mare cages aux le vres des collines | |
Il faisait un temps de flammes vertes | |
Un temps de poussie re d' acier | |
Un temps d' yeux germe s | |
Et j' ai vu sous les portie res du Ponant | |
S' effriter les enfants p les et dilate s | |
Lourds he ritages de fatigue | |
D' espoirs se questre s | |
De for ts en gestation | |
Chroniques blettes de chanteurs vibrant dans la lumie re des branches | |
Pays de paille grise | |
Pays d' humidite redoublant de violence | |
Pays d' attente et d'e boulis | |
Je contemple ce pays b ti de c tes et de criques | |
Cerne de climats douce tres | |
Traque de tourbes re volues | |
Outrepasse de tumeurs p les et de pustules | |
Ou il n' y a pas de place pour le paysan seigneur des terres immobiles | |
Pour le prole taire en usine combattant les ne goces et les engrenages fe roces | |
Soudain nous prend en route | |
Le mal taille en coin | |
Le mal qui vrille et qui taraude | |
Le mal qui fore et qui perfore | |
Le mal qui force chaque pore | |
Le mal me che de tarie re | |
Le mal douleur de vilebrequin | |
Le mal du pays natal | |
Mes fre res, mes fre res | |
Hommes br lants plante s d'e pines | |
Hommes tranchants a l'e coute des se ismographes | |
Hommes de mon pays et d' ailleurs | |
Buvez aux geysers de l' humanite | |
Appareillez pour de grands hommes lourds de justice | |
Rassemblez vos propos ace re s depuis la pulsation des estuaires | |
Jusqu' aux profondeurs de l'e table | |
Hommes simples assis dans votre e table ferme e | |
Hommes emp tre s de tabous et d' interdits | |
Je vous entends pourtant cre piter dans les flammes de vorantes de l' esprit | |
Hommes liges des talus en transe et des villages abandonne s | |
Hommes brode s urinant le long des fosse s | |
Hommes de vieilles candeurs ce le brant des divinite s aux joues roses et fane es | |
Et vous aussi, hommes des villes collectionneurs de meubles et d' ustensiles | |
Hommes e macie s pourrissant sur la muqueuse des villes e trange res | |
Vous partagez nos de mangeaisons de liberte | |
Hommes puissants disputant la se re nite de l' orgue et des esplanades | |
Hommes croustillants he ritiers de toutes le pres et de toutes famines | |
Hommes trop humilie s les poings ferme s de fureur | |
Terre s dans le tanin de vos chairs meurtries | |
Il n' y a pas de passe en Bretagne | |
Seulement un imperceptible mouvement des le vres | |
Au de tour de petites phrases anodines et friables | |
Seulement un pre sent de grossie res en justice | |
Un avenir barre de violence et de poussie re | |
Il n' y a pas de passe en mon pays | |
Sinon un bourdonnement d' hommes re fractaires | |
Je revois les gen ts sur l' urine se che | |
Les manoirs de quartz entoure s de haies | |
Mais je ne peux m' asseoir longtemps dans l' herbe | |
Les de portations massives continuent | |
Nous avons chaud a nos fleuves | |
Nous avons chaud a nos relents d' alcool | |
Nous sommes un peuple hauts fourneaux | |
Un peuple coule d' aube pine | |
Nous ne capitulons pas | |
Je m' arr te pre s des herses et des rouleaux | |
Je m che mes premie res pousses de liberte | |
J' ouvre l'e ventail des champs laboure s | |
Et notre peuple accompli soudain des re volutions e tincelantes a la face du monde | |
Un peuple vaincu s' exerce au maniement des mare es montantes | |
Je les vois qui s' assemblent tous sur les places | |
B cherons de l' aube arrime s aux cotres du soleil | |
De fricheurs herbus et ruminants jetant les grappins dans un passe interdit | |
Ecoliers ternes et applique s e tablissant soudain des relations de cause a effet | |
Ouvriers analogues s'e veillant avec lenteur au creux des faubourgs crispe s | |
Grappes de femmes lourdes enracine es dans la douleur des hommes | |
Ouvriers en gre ve exigeant droit de regard et de pression sur les tubulures du pays | |
Colleurs d' affiches, vendeurs de journaux, distributeurs de tracts, porteurs de pancartes | |
Etudiants insolents et nerveux se de robant avec ve he mence | |
Aux haleines fe tides, aux visages craquele s | |
Ecoliers rieurs e prouvant du pied le fragile e quilibre de l' eau et du feu | |
Syndicalistes vingt fois licencie s aux gestes robustes d' hommes mesurant l'e ternite | |
Paysans matraque s a bas de leur tracteur qui le soir sortent les livres pre cieux sur la table | |
Vous tes la Bretagne qui vient au feu | |
Vous tes la Bretagne qui s' ouvre aux vents du monde | |
Aujourd' hui je vous le dis | |
Nous allons proce der a des glissements de terrain | |
Il y aura des sursauts de lumie re dans le brouillard des solitudes | |
Et l' angle des fen tres e cumera de fouge res | |
Alors, nous nous installerons dans l' odeur des charpentes et le soule vement des toitures | |
Pour des e meutes de tendresse | |
Aujourd' hui je vous le dis | |
Un peuple nouveau e merge lentement qui se me nage des moissons exemplaires | |
Un peuple nouveau se de gage des sie cles gluants | |
Ce pays chloroforme | |
Ce pays bruissant d' espoirs clandestins | |
Rouvre les yeux sur les banlieues surmarines | |
Que naissent en moi les pluies c lines | |
Pour humecter les campagnes polychromes | |
Que saignent les fouge res fripe es pour le plaisir des hommes qui t tonnent | |
Qu'e clatent les bouches captives de mon peuple enfanteur d' hirondelles | |
Que se redressent les maisons arrache es a la matrice des frondaisons liquides | |
Que s'e veille mon peuple aux quatre coins du monde matinal |
Il pleut sur les coqs de bruyè re | |
Il pleut sur les constellations de bouleaux blancs | |
Il pleut sur les charrues matinales barbouillé es de terre glaise | |
Il pleut sur le pain chaud au sortir des fours visité s d' un gros feu tranquille | |
Il pleut sur le poitrail des chevaux rubiconds | |
Il pleut à verse sur la pelouse des toits lacustres baigné s de merles et de bouvreuils | |
Il pleut sur les femmes obstiné es à emplir les é glises par l' entonnoir des porches | |
Il pleut sur les planchers d' aiguilles de sapin sur l' escalier des mousses remué es de salamandres | |
Il pleut sur le lac tranquille des mes simples | |
Il pleut sur les hommes lourds et muets | |
Je m'é veille | |
Et je m' assois sur les talus limpides | |
Et je m' installe sur la fesse des montagnes de laine | |
Et je compte | |
Et je compte | |
Las de l' exil | |
J' approche de la table, le banc | |
Et à la clarté des couteaux | |
Je laisse plonger en moi les racines du pain | |
Plus loin que les matins de globules rouges | |
Plus loin que le sang caillé des bruyè res où rament les é perviers | |
Plus loin que les liè vres blancs et gris et que les cheminé es qui reprennent haleine | |
Plus loin que les courts matins d' hiver qui voient passer dans l' il des enfants la caresse des é tangs sauvages | |
Plus loin que les chevaux qui hennissent rouge au c ur des patries effiloché es | |
Plus loin que la vé gé tation des colè res inextricables qui lancent leurs lianes parmi les hommes en dé molition | |
Plus loin que les migraines velouté es qui grattent et qui mordent | |
Plus loin que les aurores boré ales br lé es de banquises à la rencontre des pays de rosé e | |
Plus loin que les destins limé s à ras de rotule | |
Plus loin que la braise flambante de l' il | |
Le silence | |
Le champ clos du silence | |
La fermentation du silence | |
Qui butte contre les vitres | |
Hommes je vous parle d' un temps qui nous appartenait plus | |
Mais d' un temps arté sien qui sourd au moindre coup de pioche | |
Je vous parle du temps où l' on b tissait les for ts | |
Du temps où chaque fleur recevait des hommes le sel du langage | |
Du temps où cette terre é tait hanté e d' un peuple solennel | |
C'é tait du temps où l' homme é tait un frè re pour l' homme | |
Où les hommes se disaient bonjour du haut de leurs collines | |
Où les hommes chaque matin saluaient le lait de la pluie | |
J' ai compté | |
La rose du ciel vert | |
Les nasillements d' hirondelles à ras de cheminé e | |
Les impulsions d' aubes feuillues chez les hommes qui naissent à euxm mes | |
La dé possession d' une patrie entiè re | |
Et au bout de l' océ an | |
Les cocons de nuit | |
La course droite des sangliers | |
La plainte des moissons moisies tramé es d' insectes vidé s | |
Au bout de l' océ an | |
Les campagnes fugueuses et les villages en quinconce dé bordant du fatras des moissons | |
Au bout de l' océ an | |
Le poil humide des chevaux de cristal | |
Le corail des lavoirs et des sources | |
Les chiens roux lisses de sommeil | |
Au bout de l' océ an | |
La machine des bocages explosifs | |
Les gradins de l' aurore parmi les arbres craquants | |
Au bout de l' océ an | |
Le rire des sauterelles | |
Le maquis des congres et des lamproies | |
La connaissance ininterrompue de la mort | |
Au bout de l' océ an | |
L'é tablissement des hommes lucides | |
Inventant une patrie dé libé ré e | |
Dressant sur les promontoires des villes de pierre des animaux de chair | |
Au bout de l' océ an | |
Les reflets battus d' oiseaux rares | |
Le sifflement de la vapeur dans les poumons et les poignets tendus | |
Au bout de l' océ an | |
La confusion des paroles et des gestes | |
La Visitation d'é tranges b tes br lantes agité es de soubresauts | |
La Visitation massive de boules de feu | |
Je te crie pays | |
Pour tes é blouissements d' yeux dardé s | |
Pour tes contrebandes de chaleurs farouches | |
Tes gé né alogies englué es | |
Tes granits poreux et glacé s | |
Je te crie pays | |
Pour tes fouillis de luzerne à fleur de peau | |
Tes pursang purulents qui verdoient de sulfure | |
Tes murs d'é curie é crasé s par le coups de pied des chevaux | |
Pour vous tous qui tes moi | |
Ou plus encore | |
Vous tous qui tes plus que moi | |
Et je vous entends tourbillonner dans la dé rive des silences giclé s | |
Et je crie | |
Suicides mauves | |
Derriè re les persiennes clauses | |
Enfants rachitiques que l' on repousse du bout du pied | |
Hommes qui traversez la vie comme on traverse un long tuyau humide | |
Paysans coagulé s tronc à tronc conduisant de la voix les rué es des troupeaux | |
Soleils que l' on dirige à bout portant contre le c ur des chevaux | |
J' ai vu mourir dans la nuit blonde | |
Les enfants couleur de nacre et les filles brunes surgies du lait | |
J' ai vu tomber par touffes l' ardoise des toits inertes | |
J' ai vu prolifé rer les maré cages aux lè vres des collines | |
Il faisait un temps de flammes vertes | |
Un temps de poussiè re d' acier | |
Un temps d' yeux germé s | |
Et j' ai vu sous les portiè res du Ponant | |
S' effriter les enfants p les et dilaté s | |
Lourds hé ritages de fatigue | |
D' espoirs sé questré s | |
De for ts en gestation | |
Chroniques blettes de chanteurs vibrant dans la lumiè re des branches | |
Pays de paille grise | |
Pays d' humidité redoublant de violence | |
Pays d' attente et d'é boulis | |
Je contemple ce pays b ti de c tes et de criques | |
Cerné de climats douce tres | |
Traqué de tourbes ré volues | |
Outrepassé de tumeurs p les et de pustules | |
Où il n' y a pas de place pour le paysan seigneur des terres immobiles | |
Pour le prolé taire en usine combattant les né goces et les engrenages fé roces | |
Soudain nous prend en route | |
Le mal taillé en coin | |
Le mal qui vrille et qui taraude | |
Le mal qui fore et qui perfore | |
Le mal qui force chaque pore | |
Le mal mè che de tariè re | |
Le mal douleur de vilebrequin | |
Le mal du pays natal | |
Mes frè res, mes frè res | |
Hommes br lants planté s d'é pines | |
Hommes tranchants à l'é coute des sé ismographes | |
Hommes de mon pays et d' ailleurs | |
Buvez aux geysers de l' humanité | |
Appareillez pour de grands hommes lourds de justice | |
Rassemblez vos propos acé ré s depuis la pulsation des estuaires | |
Jusqu' aux profondeurs de l'é table | |
Hommes simples assis dans votre é table fermé e | |
Hommes emp tré s de tabous et d' interdits | |
Je vous entends pourtant cré piter dans les flammes dé vorantes de l' esprit | |
Hommes liges des talus en transe et des villages abandonné s | |
Hommes brodé s urinant le long des fossé s | |
Hommes de vieilles candeurs cé lé brant des divinité s aux joues roses et fané es | |
Et vous aussi, hommes des villes collectionneurs de meubles et d' ustensiles | |
Hommes é macié s pourrissant sur la muqueuse des villes é trangè res | |
Vous partagez nos dé mangeaisons de liberté | |
Hommes puissants disputant la sé ré nité de l' orgue et des esplanades | |
Hommes croustillants hé ritiers de toutes lè pres et de toutes famines | |
Hommes trop humilié s les poings fermé s de fureur | |
Terré s dans le tanin de vos chairs meurtries | |
Il n' y a pas de passé en Bretagne | |
Seulement un imperceptible mouvement des lè vres | |
Au dé tour de petites phrases anodines et friables | |
Seulement un pré sent de grossiè res en justice | |
Un avenir barré de violence et de poussiè re | |
Il n' y a pas de passé en mon pays | |
Sinon un bourdonnement d' hommes ré fractaires | |
Je revois les gen ts sur l' urine sè che | |
Les manoirs de quartz entouré s de haies | |
Mais je ne peux m' asseoir longtemps dans l' herbe | |
Les dé portations massives continuent | |
Nous avons chaud à nos fleuves | |
Nous avons chaud à nos relents d' alcool | |
Nous sommes un peuple hauts fourneaux | |
Un peuple coulé d' aubé pine | |
Nous ne capitulons pas | |
Je m' arr te prè s des herses et des rouleaux | |
Je m che mes premiè res pousses de liberté | |
J' ouvre l'é ventail des champs labouré s | |
Et notre peuple accompli soudain des ré volutions é tincelantes à la face du monde | |
Un peuple vaincu s' exerce au maniement des maré es montantes | |
Je les vois qui s' assemblent tous sur les places | |
B cherons de l' aube arrimé s aux cotres du soleil | |
Dé fricheurs herbus et ruminants jetant les grappins dans un passé interdit | |
Ecoliers ternes et appliqué s é tablissant soudain des relations de cause à effet | |
Ouvriers analogues s'é veillant avec lenteur au creux des faubourgs crispé s | |
Grappes de femmes lourdes enraciné es dans la douleur des hommes | |
Ouvriers en grè ve exigeant droit de regard et de pression sur les tubulures du pays | |
Colleurs d' affiches, vendeurs de journaux, distributeurs de tracts, porteurs de pancartes | |
Etudiants insolents et nerveux se dé robant avec vé hé mence | |
Aux haleines fé tides, aux visages craquelé s | |
Ecoliers rieurs é prouvant du pied le fragile é quilibre de l' eau et du feu | |
Syndicalistes vingt fois licencié s aux gestes robustes d' hommes mesurant l'é ternité | |
Paysans matraqué s à bas de leur tracteur qui le soir sortent les livres pré cieux sur la table | |
Vous tes la Bretagne qui vient au feu | |
Vous tes la Bretagne qui s' ouvre aux vents du monde | |
Aujourd' hui je vous le dis | |
Nous allons procé der à des glissements de terrain | |
Il y aura des sursauts de lumiè re dans le brouillard des solitudes | |
Et l' angle des fen tres é cumera de fougè res | |
Alors, nous nous installerons dans l' odeur des charpentes et le soulè vement des toitures | |
Pour des é meutes de tendresse | |
Aujourd' hui je vous le dis | |
Un peuple nouveau é merge lentement qui se mé nage des moissons exemplaires | |
Un peuple nouveau se dé gage des siè cles gluants | |
Ce pays chloroformé | |
Ce pays bruissant d' espoirs clandestins | |
Rouvre les yeux sur les banlieues surmarines | |
Que naissent en moi les pluies c lines | |
Pour humecter les campagnes polychromes | |
Que saignent les fougè res fripé es pour le plaisir des hommes qui t tonnent | |
Qu'é clatent les bouches captives de mon peuple enfanteur d' hirondelles | |
Que se redressent les maisons arraché es à la matrice des frondaisons liquides | |
Que s'é veille mon peuple aux quatre coins du monde matinal |