De grands cieux gris inquiets Clouent le jour balnéaire au sol. L’homme avance parmi les dunes Il chemine en se balançant Il se souvient du Music Hall Du long couloir en entonnoir Où la foule se dévidait Les robes ne tenant qu’à un fil Et le trottoir mouillé, mouillé. Il avance parmi les dunes Gomina battue par le vent Il pense qu’il est huit heures du soir Et qu’il circule dans le couloir Où les épaules bruissent en glissant La foule se place au coeur des dunes La mer applaudit bruyamment. « Tu ne sais pas lui dire adieu » Lui a-t-elle dit hier au soir « Tu n’verras pas si je pars Ma route ne passe pas par tes yeux Dans ta tête, c’est huit heures du soir A jamais, ici ou ailleurs C’est le velours du grand couloir Qu’on trouverait, si on t’ouvrait le cœur ». Au Casino qui toise les dunes S’éveillent les machines, hoquetant, Quelques orphelins de la lune S’attèlent déjà consciencieusement A cumuler de l’infortune Un grand café serré l’attend Près des machines qui cliquètent En entrant, il voit la moquette Et il voit des lumières d’avant. « Tu ne sais pas leur dire adieu Ni à ces grandes lettres rouges Ni au désordre des entractes Ni aux rideaux qui vont flottant Tu te souviens du Music Hall De rires et de gorges serrées Et du froissement des épaules Et dehors, le trottoir mouillé ». Boulevard maritime, la maison Au cœur d’autres maisons muettes Bouches closes une fois l’été passé La table mise, la femme fluette L’assiette qu’il n’y a qu’à réchauffer Et l’hier soir qui vibre encore Des quelques vérités brassées Il lui pardonne sans un effort C’était trop vrai pour le toucher. Ils s’embrassent, elle part travailler Elle a le pardon du fantôme Et l’espoir indéboulonné ; L’amour se cabre dans le hall Où le souvenir l’a condamné Avec la grande tristesse bravache Des fins de soirées déglinguées Où les vêtements font relâche Et le cœur est déshabillé. Et sous les cieux gris qui s’inquiètent Dans les dunes ou au Casino Parmi les machines qui hoquètent Il regarde, il voit des cerceaux De feu qui brunissent la moquette Et il voit tomber des rideaux Des mains qui claquent dans la tempête Au dehors. Et il voit les lettres Rouges, et le couloir cramoisi Et tout le possible des nuits Qui s’affiche, rouge, en toutes lettres Et rien de tout ça n’est fini L’amour s’y niche, inentamé Et tous les adieux s’y empêtrent Comment dire adieu à la vie ? Il se souvient du music hall Du long couloir en entonnoir Où la foule se dévidait Les robes ne tenant qu’à un fil Et le sable mouillé, mouillé.