C'était la fille d'un négociant Et le garçon d'un fabricant Quand il allait voir sa maîtresse Ils n'avaient pas de plus beau discours En se faisant mille caresses Que de parler de leurs amours La mère qui entend cela Petite enfant, que dis-tu là ? Car une fille de ton âge Elle doit d'abord aller au couvent Pour y apprendre les usages Et vivre seule et sans amant La fille fut mise au couvent Sans qu'on lui demande son sentiment Dans tous les quartiers de la ville Son père en fait un si grand récit Prenez bien soin de notre fille Qu'aucun amant ne la voit ici Je maudirai la toile Dont on a fait mon voile Et les ciseaux des malheureuses Qui ont coupé mes blonds cheveux Je maudirai l'étoffe dont on a fait ma robe Et cette espèce de cordon noir Qui fait trois fois le tour de moi Je maudirai le prêtre qui a chanté ma messe Les desservants qui la servaient Les assistants qui l'entendaient Je maudirai les murs Les murs et les murailles Le tailleur qui les a taillés Si hauts que je ne peux m'en aller Je maudirai la grille Par où je vois ces filles Le forgeron qui l'a forgée Le serrurier qui l'a fermée Si j'étais hirondelle Et si j'avais des ailes Je passerais les murs du couvent Je volerais vers mon amant Le galant, roulant son métier S'habille en garçon jardinier Va se présenter avec adresse Dans le couvent par un beau matin Et demande à la mère abbesse De travailler dans son jardin La mère abbesse fut charmée De voir un si beau jardinier Entrez, entrez, charmant jeune homme Vous nous ferez un beau jardin Et nous aurons des fruits, des pommes Aussi des roses et du jasmin Venez donc voir, ma jeune sœur Bêcher ce beau cultivateur Comme il travaille avec adresse Comme il laboure avec ardeur Le galant a vu sa maîtresse Tous les deux changent de couleur La mère abbesse a fait trois pas Deux beaux galants parlent tout bas En te voyant, charmante belle Mon cœur me dit que je t'aime tant Et si tu m'es encore fidèle Je te sortirai du couvent La jeune sœur en soupirant A répondu bien doucement Vois la fenêtre de ma chambre Elle est là-bas au fond du jardin Viens cette nuit sans plus attendre Nous partirons demain matin